Benoît Dujardin : “On passe beaucoup trop de temps sur des sujets qui ne sont pas le coeur du débat.”

Passionné de basket et avant gardiste dans la communication digitale notamment à travers le club de Poitiers entre 2008 et 2014, nous sommes parti à la rencontre de Benoît Dujardin. Fondateur des sociétés Momentum et de ProBallers, il nous livre ses ressentis sur la visibilité du basket français et sur les évolutions que ce sport va devoir connaître pour continuer d’exister.

Ancien joueur de niveau régional et surtout passionné par son sport, Benoît a commencé sa véritable aventure en lançant son site internet autour de l’actualité basket.

J’ai commencé en créant mon site de basket en 1999, qui s’appelait “Basket Net” qui n’a pas été très connu mais il s’est vite transformé en “Basket Zone” qui a existé jusqu’en 2011. La période phare de ce site a été vers 2005, ce qui je peux le dire maintenant a été ma première grosse aventure basket, en ayant eu la chance entre autre de couvrir les finales NBA entre les Sixers et les Lakers en 2001 à Philadelphie. C’était l’équivalent de BeBasket aujourd’hui. Et déjà à l’époque en 2001, nous participions à la confection de certains sites internet de clubs professionnels, comme celui du BCM Gravelines. En 2007 je me suis rapproché du Poitiers Basket 86, je couvrais déjà leurs matchs auparavant et je réalisais déjà des documentaires sur le club, d’où la naissance de la série “Vis mon match” en 2009.  Je suis devenu officiellement responsable de la communication du club en 2008, tout en gardant une activité professionnelle annexe (responsable marketing de la Technopole du Futuroscope). L’aventure s’est terminée après la finale de ProB perdue face à Bourg en Bresse en 2014, les négociations pour poursuivre ne se sont pas déroulées dans de bonnes conditions donc j’ai dis “stop”.

Benoît travaille aussi via sa société Momentum auprès de différents clubs, entreprises ou organismes. Côté basket avec trois associés, il décide de lancer Proballers. Application que tous les (plus) passionnés ont sur le smartphone, mais également un site “encyclopédique”, et des services de statistiques pour les clubs et médias de basket.

On a constaté avec mon premier associé que quand on souhaitait suivre les performances des joueurs de l’équipe de France, c’était très compliqué en fonction de leur championnat il fallait se rendre sur une multitude de sites… On a donc partagé cette problématique avec les fans de basket et on s’est vite rendu compte qu’elle était la même pour tout le monde. L’idée c’était vraiment de faire gagner du temps aux fans de basket, en se disant aussi qu’il y avait peut-être un marché et que l’on pouvait proposer aux gens de s’abonner à l’application. Sans oublier que nous rendons aussi services aux clubs professionnels car ils ont aujourd’hui des stats fiables ! Six clubs en Jeep Elite font appel à notre prestation de statistiques pour agrémenter leur site internet : Cholet, Dijon, Gravelines, Bourg en Bresse, Limoges et Chalon sur Saône. […] Dans le futur, nous avons un projet d’accompagnement des clubs via différentes prestations tournées entre autre, vers le digital.

Quand on interroge Benoît sur la visibilité du basket en France, son avis est tranché et très constructif.

Depuis un an, je suis au sein d’une commission “Sport connecté” mise en place par la Ligue Nationale de Basket, je participe à cette réflexion de manière indépendante et bénévole, je m’y rends donc en disant de manière très ouverte, ce que je pense. Avec mon expérience je comprends que certaines avancées peuvent être bloquées politiquement par exemple. Mais aujourd’hui le basket garde toujours un très gros potentiel, il possède des leviers de développement énormes qu’il n’utilise pas. Le travail aujourd’hui n’est clairement pas assez bien fait, ce que je veux dire par là c’est qu’à mon avis, on passe beaucoup trop de temps sur des sujets qui ne sont pas le coeur du débat. Le coeur du débat se devrait d’être, le digital ! Et quand je vois que l’on se pose plein de questions sur le diffuseur TV… Je pense que l’on se trompe totalement ! Mon métier c’est d’aider les entreprises à communiquer là où l’attention des gens se porte, et aujourd’hui l’attention des gens se porte sur le smartphone. Par exemple une pub à la TV n’a plus aucun sens de nos jours, puisque quand la pub TV passe soit on zappe, soit on accélère parce que c’est de l’enregistré, soit on en profite pour aller aux toilettes, ou alors on sort son smartphone. Le basket se perd donc dans de nombreux débats, au lieu de se concentrer sur son marketing digital. On est le seul sport où il y a autant d’actions et de “highlights”, dommage de ne pas en profiter.

Le basket est devenu le quatrième sport à prendre part au “Naming”, en devenant la Jeep Elite. Ce partenariat va rapporter des fonds, mais le plus important, pour le fondateur de ProBallers, est de savoir comment ceux-ci vont être utilisés.

Moi je n’ai aucun problème avec le naming JeepElite, qui est encore une fois un faux débat. Clairement je m’en fou. Le seul but d’un naming c’est d’apporter de l’argent, et la question n’est pas de se demander si cela aurait été préférable de s’appeler, Castorama, Leader Price ou Conforama… L’essentiel est de dépenser intelligemment l’argent gagné et de bien réfléchir à comment bien communiquer avec notre partenaire. On a tellement de sujets à traiter que je n’ai même pas envie de m’attarder sur cette question. Quand on aura un marketing digital bien développé, que quand aura lieu une belle action elle sera disponible en vidéo sur toutes les plateformes possibles : Instagram, Snapchat, Twitter, Facebook…, qu’on multipliera les actions avec les youtubers, quand on aura bien ciblé notre public et que l’on arrivera à bien remplir nos salles, après seulement on pourra se poser la question si Jeep “c’est bien ou pas bien”. Il y a plein de débats comme ça qui m’agacent ! Un exemple très concret, j’ai entendu dire pendant des années que l’on avait besoin de résultats en équipe de France et que quand cela sera le cas, le basket explosera… Bon on a eu les meilleurs résultats de toute l’histoire du basket français et ça n’a pas changé foncièrement les choses. Après on entend aussi que l’on a besoin d’être en Euroleague mais clairement on s’en fou, et le grand public ne sait même pas ce que c’est, même les spécialistes commencent à s’y perdent entre toutes ces compétitions.

Un des principaux problèmes de la communication du basket français, concerne l’image esthétique qu’il renvoie visuellement notamment.

Tout d’abord on ne pourra jamais se passer dans le sport européen de la présence de sponsors sur les maillots, parce que économiquement on n’a pas le choix. Mais ce pourquoi je pousse comme nous l’avons fait avec Poitiers dès 2011, c’est que le sponsor s’adapte aux couleurs du club et pas l’inverse. Mais oui le sujet des maillots est un des sujets prioritaire ! Tout comme les terrains, qui actuellement sont visuellement pas du tout télévisuels… On ne peut pas tout changer comme construire de toutes nouvelles enceintes partout, mais on peut commencer par changer ces choses là dans son club. Et si on l’a fait à Poitiers, c’est possible partout.

Benoît pense également que le débats autour des droits TV, n’est pas forcément pertinent.

À une époque le débat sur les droits TV était intéressant parce que d’actualité, mais il ne l’est plus aujourd’hui. Dans deux, trois ans on regardera plus de choses sur notre smartphone qu’à la TV. Concentrons nous sur cet avenir, plein  de nouvelles opportunités !

Avant de conclure, par un constat terrible mais très proche de la réalité.

Aujourd’hui les gens ne s’intéressent pas à la JeepELite ! Alors ne nous trompons pas de débat. La priorité c’est de remporter la “bataille de l’attention”. Attirer l’attention sur nous. Pour cela, il faut structurer les clubs pour développer la visibilité du basket. Cela augmentera le nombre de spectateurs et de sponsors. Donc les revenus augmenteront. On pourra donc avoir des équipes plus compétitives, et donc peut-être un jour pouvoir faire quelque chose en Euroleague. C’est dans cet ordre qu’il faut traiter les priorités, pas dans l’autre ! Ce travail va prendre du temps, va nécessité du courage et des ressources, mais il apportera des résultats palpables.

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